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Résultat

Je me sens mal


Vivre au Canada est une expérience passionnante et excitante pour un Français. La nature à grande échelle, un climat viril, des rapports francs, chaleureux et directs, non saucissonnés dans d'infinis tranches sociales et hiérarchiques. C'est également redécouvrir les saisons, étés suffocants et hivers glaciers. J'avais survécu aux mois froids et aux tempêtes sans même le moindre rhume ni toux, quand lors d'une des dernières balades de mars nous avons emprunté avec ma compagne un raccourci au détour d'un bâtiment public.

Bien mal nous en a pris, c'est ce que je me suis dit pendant le court laps de temps ou mes pieds dans un bel ensemble solidaire ont pris de la vitesse sur une lisse couche de glace pure d'une bonne dizaine de centimètres d'épaisseur. Finalement ils ont quitté le sol et je me suis retrouvé dans les airs, tel un pionnier héroïque du vol aérien. Impression fugace et fugitive de liberté totale et légère que l'irrésistible attraction terrestre a démenti rapidement par un écrasement latéral lourd et violent. Tout cela c'est passé en quelques fractions de secondes et a été particulièrement douloureux dès l'impact, explosion de sensations fulgurantes et hautes en couleurs, éclats d'étoiles étincelantes partout comme des chandelles. Dieu que la glace est parfois dure à rompre ! Intermède aux urgences pour une poche de glace (le mal par le mal) sur bras en écharpe et la confirmation d'une petite fracture du coude. Diagnostique plutôt rassurant après avoir eu si mal, j'avais plutôt peur qu'ils ne trouvent rien.

Retour à l'hôpital pour contrôle au bout d'une semaine. Attente, carte d'entrée, attente, radio, attente pour voir le médecin. Mon temps arrive enfin. Je m'introduis accueilli par une femme inconnue. Elle ne se présente pas et tente directement après un
-"Hello".
De bon aloi de découvrir mon problème sur les radios, mais visiblement n'y arrive pas. J'en déduis que c'est une interne, qui fait ses classes et assiste le vieux médecin expérimenté qui suis mon cas. Elle est bien jolie et séduisante, il faut l'avouer, même dans sa blouse bleue clinique. Jeune, grande, mince, de l'allure, et suprême avantage décisif elle me répond dans un français deuxième langue de circonstance avec cette légère intonation qui la trahie. Bien exotique et agréable au demeurant, bien plus que ma première visite ou mon médecin s'était exclamé dès les premières paroles avec un lourd accent anglais et s'adressant à ma compagne:
-"Il est pas d'ici lui ? il est étranger ? il parle avec un drôle d'accent le français".
Et elle de répondre:
-"Oui oui il est français de France"
Ce qui de toute évidence est franchement un handicap plus terrible qu'un bras cassé, ça va de soit à en voir le regard consterné de connivence qu'ils ne peuvent s'empêcher d'échanger.

J'explique à ma charmante praticienne que lors de ma dernière visite on m'a imposé un bandage serré que je me suis empressé d'ôter et que depuis je vis sans, bien qu'une certaine partie de ma personne se soit sentis obligé d'enfler grandement par la suite pour finalement revenir en quelques jours à peu près normale. De toute manière je suis guéri. Certainement une guérison spontanée, une sorte de miracle en somme, de toute façon j'ai plutôt globalement moins mal et je gagne progressivement en liberté de mouvement. L'annonce de cette rémission semble la troubler, d'autant qu'elle demeure incapable de voir quoi que ce soit sur mes radios.

-"Il va falloir que je t'examine".
Susurre telle. J'ai toujours eu beaucoup de difficulté à refuser quoi que se soit aux femmes, c'est certainement du au fait que beaucoup m'ont entouré dans mon enfance. Je me déboutonne. Elle s'approche et pose ses mains douces avec précaution en pression tournante, comme pour en prendre la mesure, puis elle remonte en appuyant un peu, avant de redescendre en rythme. Je sens le bout de ses longs doigts fins me parcourir lentement doucement c'est très sensuel et surtout délicat, tout frais sur ma chaleur tendue et sensible.
-"ouch c'est gros, c'est très chaud encore, comment tu sens mes doigts ?".
Chaud d'un seul coup oui ! Drôlement, salement, et je ne peux que répondre.
-"Frais, vos mains sont fraîches, c'est très agréable, ça fait du bien".
-"ha ces hommes, tu aurais du garder le bandage pour protéger et ça empêcher de gonfler".
Et ma compagne jusque la silencieuse de surenchérir
-"Tu entend tu ce que dit la madame".
Retour aux radios, dubitative ma doctoresse enchaine.
-"Parfois même moi, je n'arrive pas à le voir et pourtant 'la madame' elle a de l'expérience".
Je lui redis que je suis guéri, et elle de répondre dans sa deuxième langue irrésistible.
-"Tu es folle !".
Elle en rajoute en y revenant
-"C'est vraiment gros encore et chaud".

Impossible de ne pas constater que son diagnostique est correct et pertinent. D'ailleurs elle n'est pas étrangère à cette montée de chaleur et à un certain gonflement sévère et inconvenant qui m'accable dans l'instant. C'est vrai aussi qu'à son contact je me sens nettement mieux et que son touché frais a un bénéfice thérapeutique immédiat et indéniable sur ma forme et mon moral. Une imposition des mains quasi miraculeuse et digne d'un ange tombé gracieusement du ciel pour me soulager de toutes mes fautes. Je suis bien prêt de lui signer immédiatement une décharge offrant mon corps à toutes les exigences de sa science. Et je lui assure que je vais totalement mieux, alors qu'elle me gratifie de plusieurs
-"Ca c'est bien les gars".
-"T'es bien un gars toi".
Je ne sais pas vraiment ce qu'elle entend par la, mais ça fait du bien de se sentir mâle, positivement réconfortant.



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