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Développement

Mes ex


C'est vrai que je me fais vieux ... C'est vraiment l'impression que j'ai ressenti lors de cette scène dans la dernière saison de Lost ou seul sur le canapé défoncé de son ancienne maison, Sauyer se fait des bouteilles de wisky avec le Search and Destroy des Stooges tournant sur une antique platine vinyle. Une musique de crise sans concession, pur chef d'œuvre électrique ou les guitares des frères Hasheton déchirent en éclairs rapprochés, tourmente de tempête et un ciel si noir, si sombre, tout autant que si blanc, si éclatant.

Iggy n'a jamais eu de guitariste, mais un don formidable à dénicher des tueurs à six cordes qu'il amène sur scène, zombies magnifiques pour en offrir la quintessence essentielle, rythmiquement sauvage, héroïque, divine, diabolique, le temps d'un disque et d'une tournée, avant de les laisser sombrer à nouveau en eux-même.

C'est vrai que je me fait vieux. C'est la principale pensée qui me vient alors que je laisse tomber les accords de "Born to be Wild" sur la petite Télécaster mexicaine qui partage ma vie nord américaine depuis plus de 6 mois. Il est tôt ce matin, la nature dort encore, perdu au centre du Canada. Bien tôt pour cette musique d'un autre temps, et j'ai une pensée pour mes ex ... Parmi celles qui ont marqué ma vie d'une union électrique. Je ne suis pas de ceux qui se targe d'aventures, de prêt d'un soir ou d'une heure, petits coups sans conséquences, incartades brèves et rapides, rapprochement glissant entre les doigts, se frottant en prise en courant pour ne plus se revoir. Ce n'est pas mon genre, je suis plutôt pratiquant à long terme, apprenant à connaitre et à découvrir dans les nuances des sonorités, liés aux circonstances et aux choix partagés, cherchant à améliorer, bonifier, trouver le meilleur et s'ouvrir à l'unissons.

J'ai commencé avec une petite bâtarde d'occasion. Copie de Tele custom, brune, noire et sans marque, on a concubiné quelques années. Je me suis fais les doigts et les mains sur ses hanches, à caresser son corps, la balançant en rythme contre mon ventre, la faisant vibrer et gémir jusqu'aux cris aiguës qu'elle finissait par lâcher lors de folles soirées d'orgie sonore ou nous communions de concert avec quelques amis à l'époque ... Elle ne tenait pas l'accord, des bouts de carton dans les creux de son sillet l'empêchant de trop friser dans les moments extrêmes ... On me l'a presque volé me l'échangeant quasiment contre mon gré pour quelques billets. Elle est sortie de ma vie et je ne l'ai jamais revu, comme je n'ai jamais vu celui qui me l'a enlevé. Ça m'a quand même serré le cœur de la voir ainsi partir, mais j'étais déjà depuis quelques mois en amour avec une belle rousse voluptueuse, solide et légère. Une belle Gibson sg standard bordeaux, échancrée dans son bel écrin d'origine, sure d'elle et fiable, elle a partagé ma vie pendant presque dix ans. Belles hanches et taille fine, collé contre mon bassin, si souple, si efficace, évidente et sans fausse notes, docile, prévisible dans ses sons chauds, ronds, rauques parfois ... sans jamais détonner, toujours pareillement en accords, rassurante de constance et sans surprise au point que j'ai fini par moins la sortir. La routine s'est installé avec les années, on ne jouait plus que rarement, si rarement que j'ai fini par la laisser partir sur une petite annonce et je suis resté seul ...

Mais on est homme ou on ne l'est pas, et le désir a fini par revenir doucement puis impérieux. Je suis monté sur Paris me faire la rue Pigalle à la recherche de l'âme sœur à qui vouer mon temps, mes mots, ma passion, partager ma vie et mes nuits ... Seuls les gaucher me comprendrons, mais ce n'est pas facile pour nous de trouver celle qui accepte de nous suivre dans notre bon sens, par dessus dessous, qui n'a pas peur d'être prise à l'envers, celle qui ne se plaint pas d'être retournée tête en bas pour être à l'unisson en accords, contraire au bon sens commun. Bien peu en sont capable et comme souvent je n'ai pas eu de vrai choix, je n'étais pas venue pour elle mais je suis reparti avec. Encore une brune, noire et blanche, une Strato US avec un éclat gros comme une pièce qui avait fait sauter le verni jusqu'au bois nu, une méchante cicatrice mal cachée à la peinture, qui lui avait ouvert le ventre jusqu'au cœur.

Elle aimait les arpèges délicat et lent qu'elle égrenait avec une somptueuse douceur, une chaleur et une précision de Fender fendant l'air d'un son cristallin et pur sur ampli à lampes. Le genre cool, un verre de whisky à siroter pour une longue soirée paisible et sans violence, miaulement raffiné de celle qui n'aimait pas être bousculée. J'ai rangé son vibrato dans la caisse pour ne plus l'en sortir, elle n'aimait que les longues caresses langoureuses, ou, à vrai dire, elle excellait. A nouveau le temps a passé et à nouveau l'ennui s'est installé, même si j'ai toujours eu du bonheur à laisser vibrer quelques accords basiques et lents comme elle aimait sur son corps plein, abusant du confort de son dos cambré, évasé, épousant nos formes, son poids parfait et équilibré, la rondeurs de ses hanches et tout au bouts des doigts, au plus loin, de ses touches en confort.

Je l'ai abandonné seule. J'ai tout laissé et je suis parti sans rien emporter que 23 kilos de nécessité tolérés par la compagnie aérienne. J'ai traversé l'Atlantique pour le continent aux merveilles et pour vivre un rêve. Le désir est revenu, je me suis laissé séduire par cette petite mexicaine épicée et piquante venue croiser, comme par hasard ma route, avais-je le choix ? Je n'ai pu lui résister. La plus cheap de sa race, ne payant pas de mine, dans sa robe sage noire et blanche encore,directe sans chichi, rustique, franche et précise sans ambages, ne perdant pas son temps en futilité ... Nous vivons un bel amour passionné et raisonné. C'est vrai qu'elle aime surtout les parties rythmiques nerveuses et claires qui nous font vibrer ensemble de beaux accords punchis crunchis saccadées. Elle est bien simple dans sa conception épurée qui date des années 50. Pas de vibrato à l'accord flottant ni de réglages superflues, un peu lourde certes pour sa taille. Ni la plus confortable, ni la plus caressante, ni la plus rassurante, mais nous nous comprenons dans un espèce de respect mutuel de ceux qui viennent de loin et du vécu qui devient lourd. Ce n'est pas un jouet fragile sous son apparence de petite gracile, mais solide décidée et courageuse jusqu'à en être cassante, notre union est parfois vive et crissante mais on s'entend plutôt bien, je suis heureux avec elle ...

... Pourtant je continue à faire les petites annonces et à mater sur le net les formes arrondies et chaleureuses de Gibsons aux hanches généreuses et plantureuses à en avoir le blues ... Peut-être un jour ... Oui surement un jour ... Pour vieillir ensemble, peut-être même un peu de jazz mélodique ... En nostalgie je regrette de n'avoir pu garder mes ex. Pour les avoir encore toutes en harem polygame proches dévouées à mon service, passant de l'une à l'autre au gré de mes envies égoïstes, les honorant tour à tour, les aimant toutes comme elles s'offrent sous mes doigts en cris gémissements miaulements feulements doux ou forts extatiques ou étouffés serrés, en souffles et soupirantes, et folles chevauchées ... La vie n'est pas ainsi. Il ne m'en reste qu'ex souvenirs que je porte tel exvotos doux et un peu amer, il faut savoir l'accepter, les passions sont le plus souvent sans partage. Rêver donne un sens à l'avenir et garde le désir de vivre et d'en jouir. Comme dans ses cordes bander est un cadeau du présent et lui donne un sens.

ma pitite télécaster mexicaine



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