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D'homme à homme


C'était un soir brumeux et improbable. André était assit à une table au fond du bar, dans un coin sombre. Antoine est entré d'un pas las, s'est approché, il a lâché son casque de cuir et lunettes, il s'est tassé sur une chaise. Entre ces deux hommes, on sentait la familiarité et le respect de ceux qui partagent le même destin et porte la même croix. Ce lien qui relie ceux qui courent après la même lune, qui sont fier de le faire et qui n’arrêterons qu'à leur dernier souffle. La serveuse a déposé une tasse fumante à chacun, ils ont allumé une cigarette.

Il ne faut pas confondre idéaux ou valeurs, patriotisme et nationalisme, chaque mot a son poids qui peut le faire basculer d'un coté ou d'un autre. Gardons les pieds sur terre dit André, et la tête dans les nuages répondit Antoine, tous les deux étaient d'accord. Tout est une question d'équilibre, un point zéro d'une jauge ou d'un compteur, gradué de chaque coté en positif ou négatif, un point d'assiette vers lequel il faut tendre bien que des forces contraires s'y opposent. Et pourtant nous y accrochons de tout notre être, homéostatiquement, un point idéal, stable qui n'est qu'illusion, un objectif, un mirage, et nous balançons autour indéfiniment, ballotté d'un coté ou d'un autre au gré de nous-même et aux hasards de circonstances et de vents contraires.

Une conversation d'homme à homme, fatigués et usés, fiers même dans leur faiblesse, rudes et âpres. D'hommes que la vie a façonné, dans toute sa crudité, sans compromis, qui les a ouvert de force à leur humanité en les confrontant à leurs limites. Qui les a rendu exigeant envers eux-même, et tolérant à leurs différences. Aucune vérité n'est définitive, aucun but n'est absolu, rien, sinon quand nous arrêtons de lutter, que la dernière lumière à l'horizon s'éteint et que tout bruit se meure. Peut-être et même certainement un jour il n'y aura plus rien, mais tant que nous en sommes, il faut bien finir cette mission, quoi qu'il arrive et d'une manière ou d'une autre, rien d'autre n'importe que de redonner ce que l'on reçoit.

André s'est levé, il est sorti, Antoine s'est affaissé endormi sur la table, le vent dehors a emporté le vrombissement du monomoteur solitaire et solidaire qui venait de décoller de cette piste au centre de nulle part. Je me suis réveillé ahuri et en sueur, témoin stupéfait du croisement de Malraux et Saint-Exupéry lors d'une banale journée de travail.






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